Pertes de contrôle de l’inflation par les banques centrales, ralentissement de la croissance chinoise, reprise épidémique… Un article des Echos a suscité la curiosité des investisseurs en ce début d’année : après une année boursière 2021 très favorable à la majorité des actifs risqués (actions émergentes exceptées), l’investisseur est, il est vrai, plus enclin à s’intéresser aux « dix sujets qui pourraient faire dérailler les marchés en 2022 ». Un exercice finalement aussi traditionnel que la galette des rois en cette période, mais qui trouve toujours plus « d’échos » lorsque les marchés de référence (S&P 500, CAC 40, etc.)… sont au plus haut ! Difficile d’ailleurs de nier la réalité de certains risques évoqués dans l’article tant ceux-ci se taillent une part importante des préoccupations identifiées par les opérateurs depuis maintenant plusieurs semaines. Difficile également de ne pas revenir sur le risque majeur évoqué par l’article… à savoir l’inflation ! Un risque qui semblait encore il y a peu appartenir au passé… mais qui constitue désormais le « scénario noir » susceptible de faire « trembler » les investisseurs.

 

1/ « Don’t fight » the FED ?

Notons que les banques centrales semblent avoir pris la mesure du problème en accélérant, notamment aux Etats-Unis, leurs sorties progressives de soutiens monétaires massifs. Des annonces nécessaires pour restaurer une crédibilité entamée par la divergence entre les trajectoires de croissance et d’inflation… et la réalité des chiffres. Faut-il pour autant se préparer à une « annus horribilus » sur les marchés actions ? Si la période qui s’annonce devrait nécessiter plus de sélectivité, la bonne tenue de l’activité économique en 2022 devrait soutenir les cours… Par ailleurs, des potentiels de hausses sensibles perdurent sur certains marchés (comme la Chine).

Si les banques centrales remplissent leur objectif (contenir l’inflation sans menacer la forte reprise économique), la psychologie des investisseurs pourrait rapidement s’en trouver renforcée. Notons par ailleurs que les effets de base sont susceptibles de faire baisser tout au long de l’exercice les chiffres officiels d’inflation. En effet, l’arrêt économique de 2020 a aussi joué un rôle important sur la forte hausse des prix constatée en 2021.

Par ailleurs, les multiples de valorisation ne sont pas si élevés (les bénéfices ayant plus progressé que les prix) même si le contexte de normalisation monétaire pourrait engendrer des phases de volatilité. Rappelons qu’au cours des cycles passés, les hausses de taux n’ont pas mis fin aux marchés haussiers…

 

2/ Le potentiel de rattrapage des émergents…

Notamment en Chine ! L’indice MSCI China, qui fait notamment la part belle aux Alibaba et autre Tencent, a ainsi subi un recul de près de 40% depuis ses plus hauts de 2021. Au-delà de l’impact réglementaire, le ralentissement de la croissance chinoise a constitué l’un des principaux risques identifiés par les intervenants ces derniers mois. Le risque chinois est-il pour autant réellement limité aux indices de l’Empire du Milieu ? Des secteurs (champions du luxe, industrie automobile) massivement achetés par les investisseurs ces derniers mois restent très exposés à la croissance chinoise. Pendant ce temps, Le MSCI China a sous-performé le MSCI AC World de 40% (-22,4% vs +16,8%) en 2021. Une dynamique monétaire et budgétaire bien différente de celle que nous observons en Occident pourrait voir le jour ces prochains mois, avec la mise en place de plans de soutien ciblés vers l’activité économique.

 

3/ … et des petites capitalisations européennes !

Au-delà de certains portefeuilles spécifiques en termes de process ou de style, les petites et moyennes capitalisations n’ont pas offert la surperformance habituelle dans cette phase du cycle boursier. Des opportunités de renfort de ces stratégies pourraient se matérialiser au cours de l’année, alors que les fondamentaux de ces sociétés restent dans l’ensemble attractifs, aussi bien en termes de croissance des résultats que de valorisation. Le mouvement semble avoir légèrement commencé depuis Noël… avec peut-être un retour à des flux positifs sur ce segment. L’Europe dispose d’un solide tissu économique de petites et moyennes entreprises souvent leaders dans leur domaine pour lesquelles les perspectives sont très encourageantes et pourraient faire l’objet de convoitises outre-Atlantique avec un dollar fort. A titre d’exemple, Edenred, Dassault Aviation, Alstom, Rubis, Ipsos, Mersen, Seb, Spie sont des candidats intéressants pour 2022.

 

4/ Des flux toujours en soutien aux US ?

A court terme, marchés actions (croissance, technologies) et normalisation monétaire ne baignent pas dans un amour fou. Passé le « repricing » qui semble avoir démarré en ce début d’année, d’autres forces de rappel pourraient rapidement revenir sur le devant de la scène. Les entreprises continuent ainsi de bénéficier de conditions de financement favorables, et la dynamique de programme de rachats d’actions devrait continuer de soutenir l’orientation des indices. Les niveaux de cash disponibles restent par ailleurs importants et des corrections boursières sont susceptibles d’être rapidement mis à profit pour « revenir » sur le marché par nombre d’opérateurs.

 

5/ Des fondamentaux toujours solides

Dynamique de consommation toujours favorablement orientée, hausse de l’emploi, épargne disponible… Les entreprises, notamment américaines ont construit leurs performances boursières sur des fondamentaux solides qui pourraient perdurer. Les taux de marges évoluent toujours sur des standards élevés, et une accalmie sur le front de l’inflation pourrait permettre à ceux-ci de rester dans ces zones. Dans ce scénario, la dynamique sur les BPA (bénéfices par actions) pourrait continuer de soutenir les cours.

2021 n’a toutefois pas été linéaire, ni en termes d’évolution, ni en termes de style. La préférence des investisseurs est passée des valeurs décotées et cycliques aux valeurs de croissance et inversement, en fonction des fluctuations sur les marchés de taux. Les pénuries d’approvisionnement ont également animé les échanges.

 

6/ Une nouvelle saison des résultats en soutien ?

Le juge de paix sur le marché actions reste la croissance bénéficiaire avec des publications de résultats supérieurs aux attentes trimestre après trimestre dans un contexte de reprise économique avec des effets de base très favorables. La trajectoire des marchés actions en 2022 dépendra d’abord de la croissance économique et de l’évolution des bénéfices après une année exceptionnelle. Une fois les effets de base épuisés, la croissance bénéficiaire devrait retomber mais rester à des niveaux appréciables grâce à une poursuite de la reprise (le consensus anticipe une croissance des BPA de l’ordre de 8% en 2022 en Europe comme aux Etats-Unis).

 

7/ L’envol de l’économie verte ?

Si les thématiques court terme sont actuellement centrées sur les durcissements monétaires, les politiques à long terme (notamment sur le Vieux Continent) vont continuer de faire la part belle à la transition énergétique. Ainsi, nombre de secteurs comme les énergies solaires ou les infrastructures pourraient attirer les flux des investisseurs une fois les virages monétaires des banques centrales digérés.

 

8/ Des conditions de financement toujours favorables pour les entreprises ?

Les taux d’intérêt réels resteront durablement en territoire négatif… Les entreprises les plus solides continueront donc de bénéficier de conditions favorables à l’investissement… Constat qui prévaut également pour l’ensemble des agents économiques.

 

9/ Vers une immunité collective ?

Sur France Inter, lundi 3 janvier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, ressuscitait un terme un peu tombé en désuétude ces derniers mois. À la lumière des chiffres quotidiens records de contaminations, poussés par l’arrivée en France du variant Omicron, la formule refait pourtant surface. Le Conseil scientifique estime que l’on peut parler d’immunité collective à partir du moment où une large partie de la population est vaccinée, comme en France. Avec deux conséquences : au niveau individuel, une protection forte contre les formes graves de Covid-19, et au niveau collectif, une circulation du virus à la baisse, car les vaccinés sont moins contagieux que s’ils ne l’étaient pas.

 

En substance…

La hausse des marchés en 2021 ne remet pas en cause l’attrait des actions dont les multiples de valorisation sont raisonnables et les perspectives bénéficiaires portées par l’activité. Quelques ajustements seront nécessaires à la marge. Il conviendra de naviguer sur les thèmes du moment (Chine, inflation, transition énergétique) dans un marché solide mais moins euphorique.