1/ La Fed sort la longue vue !
Jerome Powell était d’humeur généreuse en cette réunion de rentrée, et a offert une boule de cristal aux investisseurs. D’ordinaire si friands de visibilité, les opérateurs ont tout de même sanctionné le discours du banquier central de l’Oncle Sam sur les principaux indices… se concentrant bien davantage sur le verre à moitié vide, à savoir la tonalité toujours bien restrictive du discours. Comme le prévoyaient quasi unanimement les économistes interrogés, l’institution a bien procédé à un nouveau tour de vis monétaire, à savoir une augmentation de ses taux directeurs de 75 bps. Suffisant pour faire basculer la politique monétaire du territoire « neutre » à la tranchée « restrictive » dans sa guerre contre l’inflation. Comme évoqué en préambule, le plus important se trouve ailleurs… et plus précisément dans ce que le monde de la finance appelle affectueusement les « forward guidance ». En d’autres termes, la Fed a tué tout suspense en communiquant dans les grandes largeurs son plan de bataille pour les prochains mois. Afin de remporter ce périlleux combat contre l’inflation, la Banque centrale va continuer de relever ses taux directeurs, probablement de 75 bps lors de la prochaine réunion puis 50 bps lors de la suivante… pour atteindre l’année prochaine un niveau cible supérieur à 4%.

 

2/ Pour quelles conséquences ?
Concrètement, les stratèges de la Fed ont souhaité, une nouvelle fois, envoyer un message fort aux différents agents économiques :  l’inflation sera maîtrisée « quoi qu’il en coûte ». Il faut dire que cela ne coûte pour le moment pas tant que ça à l’économie américaine dans son ensemble, tant celle-ci continue de faire preuve d’une grande résilience au contexte actuel… résilience que nombre de zones économiques doivent lui envier. Exportateurs nets de gaz naturel, les Etats-Unis et son économie ressortent toujours comme les grands gagnants de la crise actuelle, et la maîtrise de l’inflation se joue surtout du côté de son marché de l’emploi toujours en zone de surchauffe (hausse des coûts salariaux, baisse de la productivité). Si certains investisseurs espéraient que la Banque centrale allait revoir ses priorités dans un avenir proche… et donc se remettre à chuchoter à l’oreille des marchés, il n’en sera rien : celle-ci va continuer de se concentrer exclusivement sur la maîtrise de l’inflation. Si l’on en croit Jerome Powell, le ralentissement de la croissance qui se dessine devrait rester digeste… Pour ce qui est des marchés financiers, ceux-ci pourraient saluer à moyen terme ce qu’ils ont sanctionné hier : la trajectoire monétaire ne fait désormais plus de doute, et le retour aux fondamentaux dans les choix d’allocation pourrait en ce sens se matérialiser dans un avenir proche (flux acheteurs potentiels sur les secteurs les plus sanctionnés ces derniers mois offrant de belles perspectives de croissance et des taux de marge résilients face à l’inflation).

 

3/ La dernière semaine de « Super Mario »
Célèbre en son temps pour être celui qui aura permis la mise en place de politiques non conventionnelles en zone euro, l’homme qui chuchotait (lui aussi) à l’oreille des marchés s’était plus récemment lancé dans le périlleux exercice d’assurer une forme de stabilité politique dans le pays de la Botte. Tout sauf une sinécure… L’heure de l’instabilité a peut-être de nouveau sonné (et pas seulement à cause du retour sur la scène politique de l’inénarrable Silvio Berlusconi), bien que le marché de la dette italienne ne renvoie pour le moment pas de signal extrême de fragilisation. Il n’en reste pas moins vrai que la situation économique et politique du pays reste explosive… et pas seulement parce que la semaine qui se termine sera bien la dernière de Mario Draghi, auquel les investisseurs vouent une confiance sans faille depuis 10 ans et son « whatever it takes ». D’une part, les élections législatives italiennes s’apparentent de plus en plus à un vote « pour ou contre » la zone euro. Dans cette lutte fratricide s’oppose la vision de Meloni désormais célèbre sur le Vieux Continent pour son « si je gagne, pour l’Europe, les plaisanteries sont finies » et celle de Enrico Letta, leader du Parti Démocrate et ancien Premier Ministre (2013-2014). D’autre part, le pays semble de nouveau l’un des plus à risque d’Europe : le risque de pénurie est ainsi plus élevé en Italie du fait de la forte dépendance à la Russie pour les approvisionnements en gaz et aux autres pays européens pour l’électricité. En cas de désaccords majeurs qui découleraient notamment du scrutin prévu ce week-end, Bruxelles pourrait couper les financements pourtant nécessaires de l’autre côté des Alpes… Pour rappel, un renforcement du soutien budgétaire s’annonce indispensable face à la crise énergétique… et l’explosion de l’inflation. Un nouveau paquet de mesures de 14 milliards d’euros a été adopté vendredi dernier, portant le soutien total à 66 milliards d’euros. A suivre…

 

Sources : WiseAM, Le Monde, Capital, B For Bank, BFMTV, Boursier, Zone Bourse, Les Echos, Economie Matin, France 24, YouTube, Euractiv, Ouest France
Crédits images : Gettyimages
Achevé de rédiger le 22/09/2022