1/ Les entreprises sur le pont
Dans cette ère financière ô combien incertaine à court terme, il est de bon ton de se recentrer sur le fondamental et d’écouter ce que les acteurs les plus proches de la réalité économique que sont les entreprises ont à dire. Les prochains jours s’annoncent bien chargés sur ce point, bien que nombre de publications aient déjà eu lieu et permettent en ce sens de dresser un premier bilan… notamment du côté des mastodontes technologiques. Netflix et Alphabet furent sans conteste les valeurs emblématiques de la capacité actuelle des investisseurs à sanctionner durement toute déception. Le titre de la société mère de Google a ainsi chuté de près de 4% juste après sa publication en annonçant des ventes au premier trimestre inférieures aux attentes. Un événement il est vrai plus que rare pour le géant de la technologie. Ces mêmes investisseurs ont en revanche occulté pour l’instant qu’Alphabet a dans le même temps annoncé un programme de rachat d’actions de 70 milliards de dollars… Comme un symbole de la nervosité actuelle qui priorise le court terme par rapport au long terme. Du côté de Netflix, la sanction fut encore plus conséquente : les actions du leader du streaming ont chuté de plus de 35% après la publication… effaçant en un temps record près de 55 milliards de dollars de capitalisation boursière ! Chose surprenante, cette baisse trouve son explication dans la baisse nette du nombre d’abonnés au service de streaming… de l’ordre de 0,1%, soit 200 000 abonnés de moins ! Pire encore, l’évolution du nombre d’abonnés a en grande partie été impactée par la suspension des services de streaming en Russie (-700 000 abonnés)…
Néanmoins, en prenant un peu de recul sur les premières publications effectuées, on constate que les entreprises ont bien traversé ce premier trimestre et qu’elles demeurent confiantes pour la suite. Elles ont su s’adapter depuis 2020 aux difficultés logistiques et à l’envolée des coûts des matières premières. Ainsi elles ont pu répercuter les hausses de prix à leurs clients de manière satisfaisante et donc maintenir leurs marges. Aux Etats-Unis, un tiers des sociétés ont publié : 80% des résultats sont au-delà des attentes (BNA en hausse de +8,3% et CA de 11,9% en glissement annuel). C’est l’Europe qui se distingue néanmoins avec une croissance des résultats en glissement annuel qui ne cesse de s’améliorer jour après jour pour atteindre dorénavant +27% (18% attendu à la veille du début du conflit russo-ukrainien). Il conviendra désormais de surveiller les premiers effets de bords de la situation géopolitique actuelle sur les résultats publiés lors du prochain trimestre.
Le contexte géopolitique si particulier que subit la zone euro reste susceptible de profiter à certains acteurs, notamment ceux liés à la transition énergétique. Il est en ce sens intéressant de s’intéresser à l’une des valeurs emblématiques du segment, à savoir Enphase Energy (qui fabrique des micro-onduleurs et du stockage d’énergie de secours pour les systèmes solaires)… L’envolée des prix de l’électricité à des niveaux records sur fond d’invasion de l’Ukraine inspire à l’évidence les dirigeants de la société : selon le PDG Badri Kothandaraman, la dynamique en Europe devrait se poursuivre avec une croissance séquentielle du chiffre d’affaires de plus de 40% attendue au T2 par rapport au T1 dans l’Euroland. Des perspectives attractives alors qu’Enphase Energy a déjà enregistré un chiffre d’affaires record au cours du premier trimestre… avec des ventes en hausse de 46% sur un an. Et l’évolution récente du contexte géopolitique (cf. ci-dessous) devrait continuer de profiter aux entreprises de ce segment…

 

2/ Pendant ce temps, du côté de l’énergie…
Au-delà des résultats d’entreprises précédemment évoqués, l’une des actualités les plus brûlantes de la semaine dans les salles de marché fut sans conteste la décision de la Russie Gazprom de suspendre les livraisons de gaz vers la Pologne et la Bulgarie… Une décision forcément susceptible de perturber un peu plus encore un marché pour le moins chahuté. Il n’en fallait pas moins pour que ressurgissent les craintes des observateurs. Crainte que les prix énergétiques connaissent une nouvelle envolée d’une part… Crainte d’autre part que cette décision marque le début d’une nouvelle série de sanctions unilatérales à l’égard des autres pays de la zone euro. Officiellement, cette décision controversée répondrait au non-respect par ces pays de l’obligation de recourir au rouble pour régler la facture énergétique, comme exigé par le Kremlin depuis le début du mois. Une première fissure notable apparaît donc sur le front européen, puisque que les pays ayant joué le jeu collectif en refusant les injonctions de Moscou à régler leur facture de gaz en rouble se retrouvent sanctionnés d’un arrêt peu enviable des livraisons… quand ceux ayant accepté d’utiliser la devise russe restent livrés. Un pavé jeté par Vladimir Poutine dans la marre de l’Union Européenne qui cherche coûte que coûte à maintenir un front commun… C’est dans ce contexte anxiogène pour le consommateur du Vieux Continent que la question se pose par ailleurs toujours d’un arrêt des achats de pétrole russe. Plus exactement, les déclarations se sont par ailleurs multipliées outre-Rhin quant à l’indépendance rapide (mais illusoire ?) de l’Allemagne à l’égard des approvisionnements russes. Oui, la probabilité d’un embargo sur le pétrole semble bien s’être renforcée ces dernières semaines. Rappelons que Berlin restait encore il y a peu perçu comme le plus grand réfractaire à ce type de mesure. Les derniers jours furent donc riches en résurgence de risques à la baisse sur la croissance de la zone euro… Des risques qui se matérialisent toutefois bien davantage sur l’euro que sur les actifs risqués de la zone, tant les indices européens font pour le moment preuve d’une certaine résilience si on les compare aux autres zones de référence. Nous restons toutefois prudents sur l’orientation des actifs de la zone qui semblent offrir un rapport rendement/risque dégradé en relatif aux autres zones géographiques…

 

Sources : WiseAM, La Tribune, Forbes, Boursorama, Le Figaro, News 24, 20 Minutes, France TV Info, Daily FX
Crédits images : Gettyimages
Achevé de rédiger le 28/04/2022